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Phnom Penh : tourisme et Khmers Rouges

Capitale du Cambodge ? Phnom Penh ! C’est dans la ville la plus peuplée du royaume khmer qu’on va s’initier (un peu) à l’histoire de ce pays. Dès qu’on arrive à notre guesthouse, plusieurs conducteurs de tuk tuk nous demandent, très gentiment et avec le sourire, si on désire visiter les « killing fields ». On ne sait pas encore exactement ce que c’est mais on se doute bien que ça doit concerner les Khmers Rouges et leur régime. Bienvenue à Phnom Penh, entre histoire et tourisme.

Jusqu’à présent, on ne s’était que très peu intéressés à l’histoire des pays que nous traversions, privilégiant d’avantage un regard sur les conséquences et les impacts, positifs et négatifs, du tourisme. Ici, c’est autre chose. L’histoire récente du Cambodge est trop importante pour être absente d’une visite touristique de la capitale.

Petit rappel des faits :

le 17 avril 1975, les Khmers Rouges envahissent Phnom Penh. C’est la victoire finale après 5 ans de guérilla contre le gouvernement sanguinaire et archi-corrompu du maréchal Lon Nol (entre 600 000 et 700 000 victimes durant cette période), arrivé au pouvoir 5 ans plus tôt à la faveur d’un coup d’état orchestré et soutenu par les États-Unis. Les militaires sont accueillis triomphalement. La joie est de courte durée car les Khmers Rouges ordonnent à toute la population de quitter Phnom Penh pour regagner la campagne de leur village natal. Ceux qui refusent ou qui ne peuvent pas se déplacer sont exécutés. En 48 heures, la capitale cambodgienne est transformée en ville fantôme.

L’objectif de la révolution est de transformer le Cambodge en un laboratoire de la pensée maoïste la plus radicale. Son application se fera sans jamais se soucier du facteur humain.

le 7 janvier 1979, quand l’armée vietnamienne envahit le Cambodge pour mettre fin au règne des Khmers Rouges, on estime le nombre de victimes à 2 millions dans un pays qui comptait, à l’époque, 7 millions d’habitants.

Tuol Sleng, la prison S-21

Afin de faire table rase du passé et de façonner un homme nouveau, l’éducation, jugée néfaste et contre-productive, a été supprimé par les Khmers Rouges. Au cœur de Phnom Penh, un lycée a été transformé en centre de détention, de torture et d’exécution, connu sous le nom de prison de Sécurité-21 ou S-21. Ce lieu, emblématique des massacres commis par les Khmers Rouges, est devenu, à la chute du régime, un lieu de témoignage et de commémoration : le musée de Tuol Sleng.

Tuol Sleng

Tout est resté en l’état, depuis l’invasion vietnamienne, pour que le visiteur soit plongé directement dans l’ambiance insoutenable et l’horreur de ce camp. Les barbelés entourent encore les murs d’enceinte de l’ancien lycée. Les instruments de torture sont exposés au milieu des milliers de portraits de victimes. Leurs tortionnaires les prenaient en photo à leur entrée dans la prison. Les Khmers Rouges avaient le même soucis bureaucratique que les Nazis de vouloir tout enregistrer. C’est peu de dire que ça glace le sang.

Cellules à S-21

Les Khmers rouges enfermaient à S-21, sur n’importe quel motif, tous les opposants, réels ou supposés, au régime : l’Angkar ou Organisation en khmer. Cela pouvait être des hommes, des femmes (avec leurs bébés), des enfants, des personnes âgées, des ouvriers, des intellectuels (porter des lunettes était suffisant pour être considéré comme intellectuels), des ministres, des militaires mais aussi d’anciens cadres Khmers Rouges. La torture permettait d’obtenir les aveux, souvent imaginaires, qui étaient notés scrupuleusement. Les prisonniers qui avaient avoués étaient ensuite conduits dans des champs, à quelques kilomètres, au site d’extermination de Choeung Ek (également dénommé Killing Fields) pour y être exécutés d’une balle dans la tête ou d’un coup de gourdin à l’arrière du crâne.

Le procès des Khmers Rouges

Ces « Killing Fields » peuvent aussi être visiter, mais après S-21, on n’a pas eu le courage de prolonger notre incursion dans l’histoire khmère. À la place, on a cherché à savoir ce qu’était devenu les anciens chefs Khmers Rouges. Pol Pot, le dirigeant politique et militaire emblématique du régime est mort en 1998. La communauté internationale et les gouvernants cambodgiens se sont enfin entendus pour mettre en place une cour pour juger les hauts responsables encore en vie. Cette juridiction particulière a une gestation très longue. L’actuel premier ministre cambodgien, Hun Sen (33 ans d’exercice du pouvoir, record mondial absolu), ancien Khmer Rouge repenti, s’y est longuement opposé. Il avait en effet amnistié bon nombre d’ancien dirigeant au nom de la « réconciliation nationale ».

La prison de Tuol Sleng

Pour le moment, seul Kang Kek Ieu, plus connu sous le nom de Duch, a été condamné à 35 ans de réclusion pour son rôle en tant que directeur de la prison de Tuol Sleng. L’ancien vice-Premier ministre et ministre des affaires étrangères du Kampuchéa Démocratique, Ieng Sary, vient de mourir. Khieu Samphân et Nuon Chea, l’idéologue du régime, sont les derniers responsables vivants.

Pour plus d’informations sur cette page sombre de l’histoire de l’humanité, je vous conseille plusieurs choses :

– le livre de François Ponchaud : Cambodge, Année Zéro. Bien qu’il date de 1977, l’auteur fut un témoin privilégié de la prise de pouvoir des Khmers Rouges et donne plusieurs pistes pour comprendre les causes qui ont permis la mise en place d’un tel régime.

– le film de Rithy Panh : S-21 la machine de mort Khmère Rouge. Documentaire où le réalisateur convoque victimes et bourreaux devant la caméra pour tenter de comprendre comment l’implacable logique de mort de la prison de Tuol Sleng s’est mise en place. Poignant. Glaçant. Hallucinant.

– Quelques articles du Monde (ici et ici) pour en savoir plus sur l’actualité du procès des Khmers Rouges.

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