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Six jours chez Tsolmon et Batdorj

C’est Bilegt qui nous a mis en contact avec cette famille, des amis de longue date. Nous avions pu avoir un aperçu du camp, le dernier jour du trip jeep, en s’y arrêtant pour déjeuner. Nous avions constaté qu’ils vivaient bien au milieu de rien, seulement la nature. Il y avait là trois groupes de yourtes : un pour la mère de Batdorj, un pour son frère, sa femme et leur bébé, et celui de Tsolmon et Batdorj.

Welcome in my yourte !

Les animaux paissaient tous ensemble, les chèvres, les moutons, les vaches, les chevaux. Beaucoup, beaucoup de bêtes à gérer.

Batdorj est venu nous chercher à la Morin Jim. Quarante minutes plus tard, il nous fait entrer dans la yourte familiale où d’autres gens boivent et discutent. On grignote et on boit de l’airag par litres comme les autres. Bonne ambiance, tout le monde est souriant, même si la communication est loin d’être fluide !

Seule Tsolmon parle quelques mots d’anglais : « Welcome in my yourte ! »

Ils nous installent ensuite dans notre yourte, ou « ger » en mongol. Nous sommes seuls avec quatre lits, un poêle, une table basse, des tapis aux murs, une lampe et un petit lavabo avec une glace. Quel confort !

Ce n’est pas aisé de trouver ses marques quand les gens qui t’accueillent ont toujours mille trucs à faire et n’ont pas spécialement besoin d’aide. Bien qu’il n’y ait pas d’horaires pour les tâches quotidiennes, tout se déroule dans un certain ordre. Notre but, les premiers jours, fut donc d’observer ce rythme journalier, d’être attentifs et de s’immiscer, quand c’était possible, dans cette mécanique bien rodée.

Une journée type chez les nomades

On pourrait présenter une journée type comme ceci :

La femme se lève à l’aube, en suivant le cycle du soleil, allume le feu, se prépare et sort pour la première traite des vaches. Souvent, elle est seule, les animaux étaient attachés la nuit.

Quand elle revient, quelques heures après, elle fait chauffer le lait en l’aérant avec une louche, pour créer une croûte de lait et de la crème en dessous. Celle-ci servira pour faire ensuite du yaourt. Mais elle en laisse une petite partie pour consommer telle quelle durant la journée. Nous n’avons pas été présents pour constater ce programme matinal chez Tsolmon, mais c’était le cas dans d’autres familles. Nous avons préféré dormir un peu… Le matin, il fait froid dans la yourte, hors des couvertures. Dur, dur de se lever. On rejoint le couple pour petit-déjeuner : tranches de pain, de la crème, de la confiture et du thé au lait ou de l’eau chaude pour Kélig, que l’airag commence à perturber…

Des bouses séchées pour le feu

Notre petite mission quotidienne après ça est d’aller chercher de l’eau à la rivière, dans de grands pots à lait en métal. Si on est réellement motivé, on peut aussi passer la matinée à ramasser les bouses sèches qui servent comme combustible pour le poêle. Sinon, on bouquine peinard sous la yourte !

En début d’après-midi, les hommes regroupent les chevaux, séparant les juments et attachant les poulains à des cordes courant au sol. On libère les petits un à un et on les amène à leurs mères pour les laisser téter quelques minutes. Puis on les sépare en les maintenant contre la jument pour qu’elle reste tranquille. Seules les femmes les traient, un genou au sol, l’autre portant le seau et, de deux mains expertes, tirent le lait en quelques minutes. On rattache ensuite les poulains à la corde pour la traite du soir. Nous n’avons pas pu aider Tsolmon et son mari, car leurs chevaux sont vraiment sauvages. Mais il a été possible d’assister le frère de Batdorj et sa femme pour gérer leurs poulains. C’est un travail physique et il faut être un peu concentré pour maîtriser les jeunes chevaux.

Après ça, je rapporte les seaux de lait à la yourte familiale où la mère de Tsolmon s’occupe des tâches ménagères. Elle filtre le lait, le verse dans le baril d’airag qu’elle baratte ensuite pendant des heures.

Il est enfin l’heure d’avaler quelque chose. Tsolmon prépare une soupe rapidement que l’on mange sans un mot, juste un bruit de succion prononcé. Normal !

L’après-midi est plutôt cool avant la prochaine traite des chevaux. On bouquine, on sieste, on glandouille. Puis c’est reparti, les juments, les poulains, les sceaux de lait, la grand-mère, le barattage. On boit un thé chaud, car il commence vraiment à cailler dehors. Heureusement que Tsolmon a eu la gentillesse de nous prêter un deel, adapté à chacun, pour nous garder au chaud à n’importe quelle température. De plus, ce vêtement, contrairement à nos vestes en goretex, n’effraie pas les animaux.

Les traites

Le dîner se prépare autour de 18 heures avant la deuxième traite des vaches. Tsolmon prend un peu plus de temps pour nous faire des pâtes maison ou des ushuur (pâtés de viande et pommes de terre). On mange en peu de temps et on se retrouve dehors pour l’aider dans la nuit et le vent froid. Kélig sort les veaux un par un de l’enclos. Ceux-ci se précipitent vers leurs mères attachées à une corde au sol. Le principe est quasi le même qu’avec les poulains : on les laisse téter quelques minutes avant de les écarter.

La traite des vaches est plus longue donc on attache les veaux près de leur mère, pour les libérer ensuite, qu’ils puissent téter tranquilles. Ma mission était d’assister Tsolmon et de surveiller les veaux rassasiés pour les renvoyer dans l’enclos dormir. Il y a une vingtaine de veaux, l’opération prend du temps : autour de deux heures. Il fait noir, nous sommes trois à pousser des « Tchou ! », « Haa ! » sur les animaux dont nous nous occupons. Quand on a deux minutes, on regarde le ciel mongol étoilé.

On ramène le lait, Tsolmon prépare la crème. On boit du thé chaud et elle nous donne du yaourt sucré.

Batdorj, un soir, nous sort le grand jeu. Il possède un sound system pas mal, assez étrange dans une yourte mongole, et propose un karaoké… Bon, manque de bol, le micro n’a plus de piles (quel dommage…) Pas de problème ! Il sort de derrière les fagots un album de Bob Marley, et met le son à fond. On danse donc tous les quatre comme des fous sur « I shot the sheriff », dans une yourte, dans la steppe infinie, en Mongolie.

Il est autour de 21 heures. C’est l’heure de tenter de faire du feu dans notre chez nous, et de dormir sous les tonnes de couvertures.

Les journées se ressemblent, mais ne sont pas toujours tout à fait les mêmes. Les après-midi étant plus détendus, nous avons assisté à plusieurs petits évènements : les hommes tuent une chèvre et un mouton pour les réserves de viande.

C’est une mise à mort non sanglante. Ils ouvrent le ventre des animaux, trifouillent dedans (je n’ai pas demandé les détails) et les étouffent. Zéro goutte de sang. Ils les écorchent, les vident, et les femmes nettoient et préparent les tripes que l’on mangera plus tard.

Nous avons aidé au déménagement d’une des sœurs qui s’installe près de Kharkhorin pour l’hiver. On démonte la yourte, elle choisit les lits, les meubles, les tapis qu’elle souhaite avoir. Tout est chargé dans un camion et le reste est entreposé au même endroit, protégé par une bâche.

Le dernier jour fut un peu spécial. Kélig n’y croyait pas, mais Tsolmon nous annonçait de la neige. Le matin, en sortant de la yourte, tout était blanc et gelé.

La traite des chevaux est annulée, ne reste que celle des vaches. C’est le jour improvisé des tâches ménagères : lessive, changement de vêtements, débarbouillage à l’eau chaude, choix des tapis et préparation d’éléments pour le camp d’hiver.

J’avais attendu ce dernier jour pour photographier la délicate traite des chevaux, c’est dommage pour moi. Je reste sous la yourte avec le couple, pour observer la distillation de la vodka mongole à base de lait. Super légère, cette vodka a… un léger goût de vomi, comme un deuxième effet kiss cool…

Six jours ont passé et ce fut un bref, mais super aperçu de la vie de nomades dans les steppes mongoles. J’imaginais plus de solitude et d’autarcie alors qu’ils sont particulièrement solidaires entre eux et très ouverts au contact. Ils recevaient beaucoup sur la période où nous nous y trouvions. Je ne sais pas ce que ça donne dans la rudesse de l’hiver avec le froid et la neige.

En tout cas, nous n’avons manqué de rien. Nous n’avons pas eu faim, soif ou réellement froid. Le couple nous a réchauffés de son sourire qui nous a de plus, aidé à ne pas trop regretter la barrière de la langue.

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