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À cheval chez les nomades

Que fait émerger l’idée de la Mongolie dans les esprits ?

Je dirais : chevaucher au grand galop dans la steppe infinie et rencontrer de vrais nomades.

Nous avons décidé de tenter les deux en partant six jours à cheval avec une étape chaque soir, dans une famille nomade.

Endosser le rôle du cow-boy, c’est pour Kélig qui, plein d’enthousiasme et de joie à cette idée m’a rallié à ce projet. Je relève le défi, car je suis assez douée pour ça, mais je ne fais pas de bonds à la hauteur des siens…

Mon royaume pour un cheval

À Kharkhorin, nous avons laissé les filles partir deux jours en randonnée équestre avant nous, histoire de leur dire au revoir avant de commencer la nôtre et de recueillir leur avis. Je les vois revenir fatiguées et des douleurs partout. Elles me confirment que ce fut magnifique, mais très pénible physiquement. Mon imagination s’emballe et je me vois déjà marchant à côté de mon cheval pendant six jours, incapable de remonter en selle et de profiter de l’aventure.

Je ne peux donc pas vraiment faire l’apologie de la relation homme/cheval dans cet article.

Trop tard pour donner corps à mes sombres fantasmes. Le lendemain, nous partons. Mughi, notre guide est en tête avec le cheval de bât, moi je le suis, et Kélig est en grande discussion avec sa monture et ferme la procession… Tout se déroule agréablement durant la matinée. J’ai une allure qui me convient, entre le pas et le trot. Dur, dur quand même de montrer qui est le chef ! Je lutte un peu avec mon cheval contre cette allure naturelle qu’il souhaite adopter sans cesse : le trot mongol. Mes fesses et mes genoux sont rapidement douloureux et je pense aux filles. Alors je m’accroche.

Dans l’après-midi, j’ai dû montrer un peu trop de lassitude à mon destrier. Le fait qu’on ne soit jamais d’accord sur l’allure a dû finir de l’énerver et il me le fit comprendre en s’arrêtant sans vouloir repartir. C’en était fini de notre entente cordiale. À partir de là, ce fut la guerre entre nous. Il va sans dire que c’est lui qui a remporté la plupart des batailles…

Mais on a quand même réussi à s’entendre sur quelques galops magnifiques et exaltants !

Nos nuits nomades

Par contre, j’étais exaltée à l’idée de rencontrer de vrais nomades et d’entrer sous une yourte familiale.

La première expérience fut un peu superficielle. Les parents, partis en ville, il n’y avait que leur fils pour nous accueillir. Sympa ! Mais on ne peut pas vraiment compter sur les ados pour montrer la chaleur d’un foyer…

Avec nous, il y a Mughi, notre guide de 17 ans, timide et parlant à peine un mot d’anglais. Il aide notre hôte à préparer le feu du poêle, dieu du foyer, et « cuisiner » quelque chose. Bon, c’est très simple, mais c’est chaud, donc c’est bon. Et le point positif c’est qu’on profite du lit des parents, ce qui nous évite, pour une nuit, de dormir au sol.

Le lendemain matin, le réveil des jeunes est compliqué : le petit-déjeuner léger et le pique-nique du midi quasi inexistant. On espère retrouver vite une maman qui s’occupe de tout pour ne pas mourir de faim…

La deuxième famille nous accueille et ils sont nombreux à vivre dans le camp : un jeune couple avec un petit bout, la tante de l’enfant, les grands-parents. Ça grouille de vie ! Je peux commencer à observer la vie quotidienne, les tâches de chacun, le rythme qui les guident.

La femme est la déesse du foyer, maîtresse des comptes et gardienne des clés des cadenas sur les meubles de la maison. Elle s’occupe aussi de la traite des animaux qui ne s’habituent pas facilement à d’autres contacts.

Les hommes font tous les travaux physiques, nombreux, et s’occupent de réunir les animaux pour les traites. Je ne sais pas si c’est encore le cas, mais ils devaient notamment les protéger des attaques des loups, durant les nuits d’hiver.

Les nomades mongols sont des éleveurs : chevaux, vaches, moutons et chèvres. Ils prennent un camp l’été, de préférence près d’une rivière pour l’eau de la yourte ainsi que pour les animaux, la fraîcheur de l’air et les espaces plats où les animaux peuvent brouter à leur convenance. Le camp d’hiver se trouve souvent sur les collines où l’air est un peu plus chaud, l’herbe grasse a repoussé durant l’été. La vie se rythme donc en fonction des animaux.

Nous n’avons vu que les camps d’été ; les nomades se préparaient lentement à déménager fin octobre. Les yourtes étaient donc plus aérées et moins bien isolées qu’en hiver où l’on empêche le moindre filet de vent d’entrer. La nuit, quand nous avions un poêle et que celui-ci s’éteignait, il faisait bien frisquet par terre.

Questions pratiques

Nous nous étions un peu habitués à faire pipi dans la steppe plate, tous ensemble, durant le trip en jeep(lien)… Il s’agit, à partir de maintenant, de tout faire « Into the wild ». Quelques familles ont fabriqué, vite fait bien fait, des abris anti-regards, mais la plupart du temps, on sort de la yourte en courant et on se trouve un p’tit coin « caché » et on profite de la vue sur les montagnes ou autre, tout en réfléchissant au sens de la vie… La nuit, c’est la course contre la montre et le froid. Un défi !

En ce qui concerne la douche, il n’y en a pas. C’est plus simple ! Les gens se lavent dans une petite bassine remplie d’eau chauffée sur le poêle, mais vous imaginez bien qu’ils ne le font pas tous les jours, le poêle servant à plein d’autres choses. Petit débarbouillage le matin pour se réveiller ou lorsqu’ils doivent se rendre en ville. On ne nous l’a jamais proposé. Nous sommes donc restés avec notre petite couche de crasse protectrice. Deux douches à Kharkhorin en trois semaines entre la jeep, le cheval et la famille, c’est assez pour notre peau sensible. De toute façon, en cette saison, l’eau de la rivière est glacée. Ce fut sans regret !

À chaque nouvelle entrée dans une yourte, la femme offre à manger et sert de l’airag (du lait de jument fermenté). Nous avions eu l’occasion de tester cette boisson juste avant de partir de Kharkhorin, avec Xavier et Tuya. Je m’attendais à une boisson cauchemardesque. C’est ce qu’on peut lire en général sur les blogs de voyageurs. En réalité, ce fut surtout surprenant. Je dirai même que les Bretons et consorts sont légèrement avantagés : un étrange mélange entre du lait Ribot acide et du cidre brut… Étrange, déconcertant, mais pas désagréable, si on supporte les produits laitiers. Du coup, nous en avons bu avec un réel sourire et ce fut un très bon point pour nous !

Encore un peu de mouton ?

La nourriture est une tout autre histoire ! Je n’étais déjà pas copine avec le mouton en France et je savais que c’était, avec la chèvre, la nourriture principale des nomades mongols. Il n’y a pas eu de surprise à ce niveau-là, pas de reconversion de goût inattendu… Moi, je trouve que le mouton ce n’est pas bon, un point c’est tout. De plus, les recettes sont très simples, on ne cherche pas la diversité. Tout à ce goût de mouton : soupe de pâtes et mouton, soupe de riz et mouton, sauté de pâtes et mouton ! Le summum c’est dans la dernière famille qu’on nous le présenta. Notre hôtesse nous accueille avec un plat de tripes qui nous attendait sous le lit. Elle nous propose le couteau commun et nous pousse à nous servir un bout de tripaille… On décline timidement.

Qu’à cela ne tienne ! Elle nous prépare une petite soupe de nouilles aux tripes pour le dîner…

Je tiens le coup, je ne faillis pas, mais je pleure à l’intérieur sur un bon filet mignon. Kélig et Mughi ont l’air de se régaler et je me demande si leur système gustatif fonctionne correctement.

Les yourtes ont beau se ressembler de l’extérieur comme de l’intérieur, nous avons pu constater durant six jours que les gens en font réellement un endroit accueillant et chaleureux ou non. On voit très vite les familles débordées ou celles qui, au contraire, sont très organisées et les maniaques de la propreté, celles qui font en sorte que n’importe quel invité se sente à l’aise ou celles qui continuent leur vie sans s’en soucier. C’était cool d’avoir l’opportunité de voir toutes ces différences et de ne pas avoir été cantonnés à des accueils habitués aux touristes.

Le dernier jour fut riche en évènements. Lever tôt, prêt à décoller après un petit-déjeuner sans tripe, Mughi va chercher les chevaux pour les préparer. Nous ne le voyons pas revenir, un des chevaux s’est fait la malle ! Il le cherche toute la matinée sans succès puis part en moto avec l’homme de la maison. Mmh !!! Il est déjà midi et nous avons 35 km à parcourir pour rejoindre Kharkhorin, ce qui veut dire cinq heures de cheval à notre allure habituelle…

Ils reviennent deux heures plus tard, sans l’animal. Ils se marrent et nous expliquent, avec des gestes, que le cheval est retourné seul à Kharkhorin durant la nuit. Il manque donc une monture pour cette dernière étape. On nous dit qu’il va vraiment falloir cavaler sévère pour rentrer. Kélig est ravi. Mes fesses et mes genoux me disent qu’elles ne sont absolument pas prêtes à trotter et galoper pendant 3 heures non-stop. Et j’ai l’impression d’entendre mon cheval se foutre de moi.

L’homme a prévu de ramener nos sacs en moto. Mes yeux brillent d’espoir et je lui fais comprendre que je souhaiterais vivement échanger ma place avec ces sacs. Faire le beau sur sa moto pour une femme a l’air d’être plus attrayant que pour des sacs, je pars donc avec lui.

Fête de départ

Une heure de route plus tard, nous arrivons à la Morin Jim où Tuya, un groupe d’amis et quelques bouteilles de vodka nous accueillent. Tuya m’explique qu’ils fêtent le départ de trois guides d’Horsetrails pour l’armée mongole et le marquage des nouveaux chevaux. Tout est bon pour boire de la vodka quoi !

Ils m’invitent à les suivre, et nous partons donc tous en jeep. J’ai compté, nous étions neuf, plus la nourriture, les ustensiles de cuisine ainsi que les bouteilles de vodka… On retrouve d’autres personnes à l’écurie d’Horsetrails, point de départ de notre trek.

On boit de l’airag, des shots de vodka, de l’airag (etc.), on joue à des jeux de mains mongols (sorte de feuille/papier/ciseaux), je prends des photos, l’ambiance est joyeuse… Je ne passe pas par la case pompette !

Kélig me retrouve avec mes nouveaux amis après une folle cavalcade de trois heures.

L’heure du rite de marquage a sonné. Fer chauffé à blanc, on amène un par un les poulains terrorisés. Xavier, le gérant d’Horsetrails n’est pas là, mais en voyant les photos, après coup, il est furieux. Il m’explique que la méthode utilisée était cruelle. Deux hommes tordaient les oreilles du poulain à marquer pour le maîtriser, ce qui est très douloureux pour l’animal. Même si Tuya tentait de les rassurer et de les réconforter, ce fut un moment vraiment bestial.

Après ça, tout le monde prépare le repas : on remplit un pot de lait en métal d’eau de rivière. On plonge des morceaux d’agneau, ainsi que des pierres chauffées dans le poêle, puis on referme et on patiente. Une sorte de barbecue ! Simple et délicieux, accompagné de salade de choux et d’autres légumes. Ce sera mon dernier souvenir. Black-out jusqu’au lendemain quand Kélig m’explique qu’il m’a couché à 21 heures. Quand je lui demande comment s’est finie la soirée, il ne sait plus… Black-out expliqué par Xavier, qui l’a ramené et couché vers minuit. Kélig dormait paisiblement dehors près des chevaux.

Kélig, Céline – 0 /Vodka – 1

 

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